CELUI

 

Celui qui ne m'a pas parlé d'amour

M'a plus appris m'a plus donné

Que ceux qui m'en ont trop compté

 

Celui qui ne m'a pas embrassée

M'a plus donné m'a plus appris

Que ceux qui m'ont trouvé jolie

 

Celui qui ne m'a jamais caressée

M'a révélé plus de splendeurs

Que ceux qui m'ont offert leur cœur

 

Celui qui ne m'a jamais fait l'amour

M'a mieux comprise et mieux aidée

Que toi qui prétendait m'aimer

 

Sans faire un geste sans un bruit

Il m'a découvert des pays

J'ai vu des jardins suspendus

À la beauté de ses mains nues

Il n'est pas de plus pur écrin

Que ses mains qui n'exigeaient rien

 

Celui qui ne regardait pas mes yeux

Mais le monde autour de nous deux

M'a fait voir qu'il est merveilleux

 

Celui qui ne m'a pas donné d'enfant

M'a fait aimer tous les mendiants

Les solitaires et les errants

 

Celui qui ne m'a jamais possédée

Qui n'a pas voulu m'enfermer

Pour qui l'amour est liberté

MON NEZ

 

L'hiver il faut le deviner

Bien au chaud encapuchonné

Dans l'épaisseur des cache-nez

Mon nez

L'été il flamboie devant moi

Ce qui fait croire que je bois

Aux voisins mal intentionnés

Mon nez

Il plane dans les altitudes

Où il trouve la plénitude

Et aussi de quoi s'enrhumer

Mon nez

Moi qui ne suis pas pour un sou

Curieuse on dit qu'on voit partout

Où il ne faut pas le petit bout

De mon nez

 

Il est si long, il est si beau

Qu'en Gascogne, chez Cyrano

Je n'ose plus faire de tournées

Mon nez

Malgré moi il montre du doigt

Les gens qui marchent devant moi

Comme un enfant mal élevé

Mon nez

Que je pleure ou bien que je rie

Ça me fait un profil de souris

Qui ne prête qu'à ricaner

Mon nez

Il est insolent et surtout

Quand un bouton lui vient au bout

Je louche trois fois plus que vous

Mon nez

 

Pour les fêtes de fin d'année

Quand pour les gosses je vais chanter

Ils croient tous que c'est un faux nez

Mon nez

Il est si bien conditionné

Que je sais avant d'y goûter

Si la cuisine est raffinée

Mon nez

En amour il est si expert

Qu'on dit partout que je m'en sers

Comme d'un doigt supplémentaire

Mon nez

Dans le musée des vieux guignols

On le conservera dans le formol

Comme accessoire de music-hall

Mon nez

LES DESSINS D'ENFANTS

 

Dans les dessins d'enfants
Tout paraît plus haut
Tout paraît plus grand
Avec un feutre vert
Petite écolière
Refais l'univers
Le soleil dans ta poche
Et dans ta sacoche
Des marrons grillés
Les barreaux des cahiers s'écartent
Pour te laisser passer

Mais les couleurs ternissent
On ne dessine plus, on grandit
Faut-il que je vieillisse
Que tout soit de plus en plus petit ?

Dans les dessins d'enfants
On voit ses parents
Comme des géants
Et sous notre crayon
Toutes les maisons
Touchent l'horizon
Les pinceaux de ta trousse
Rapides, éclaboussent
Gaiement le papier
Les barreaux des cahiers s'écartent
Pour te laisser passer

Mais les regards durcissent
Et l'on ne rêve plus, on grandit
Faut-il que je vieillisse
Que tout soit de plus en plus petit ?

Dans les dessins d'enfants
Arrive un moment
Toujours décevant
Quand les feutres sont secs
Et qu'on ne peut plus s'évader avec
Rien n'est plus comme avant
Tout paraît moins grand
Et moins coloré
Peu à peu, les cahiers se ferment
On a tout oublié

Les souvenirs pâlissent
On ne s'étonne plus, on grandit
Faut-il que je vieillisse
Que tout soit de plus en plus petit ?

 

 

JE NE T'ATTENDRAI PAS

 

Si tu pars à la découverte
Je veux ouvrir les yeux
Tout comme toi
Que tu te trouves ou tu te perdes
Je veux t'accompagner
Du même pas
Toutes les femmes d'un autre âge
Qui attendaient trop sages
N'ont jamais su
Qu'après l'absence et le voyage
Elles ne retrouveraient
Qu'un inconnu
Les combats, les voyages
Ça doit se vivre à deux
Je vivrai tes orages
Pour te comprendre mieux
Parce que je te ressemble
J'irai du même pas
L'amour se vit ensemble
Je ne t'attendrai pas
L'amour se vit ensemble
Je ne t'attendrai pas
Si tu te plains ou te tourmentes
Que je veuille être un jour
Semblable à toi
Ni la sainte, ni la servante
Crois-moi c'est par amour
Pardonne-moi
Toutes les femmes d'un autre âge
Qui se croyaient fidèles
A leur amant
Ne l'ont été qu'à une image
Qui se détachait d'elles
Inconsciemment
Les combats, les voyages
Ça doit se vivre à deux
Je vivrai tes orages
Pour te comprendre mieux
Parce que je te ressemble
J'irai du même pas
L'amour se vit ensemble
Je ne t'attendrai pas
L'amour se vit ensemble
Je ne t'attendrai pas
Je ne t'attendrai pas

 

LA LOUISIANE

 

Je revois l'enfant sur le bateau
Qui rêveur laissait traîner sa main dans l'eau
Je revois, lorsque ma pensée plane
Les souvenirs rester là-bas en Louisiane
La Louisiane, elle est déjà si loin
Et je n'y peux plus rien

En Louisiane je voudrais retourner
Je revois les vagues qui battent le quai
Et là-bas sous leur grand chapeau blanc
Les visages bruns qui souriaient gaiement
La Louisiane, pays de mes 12 ans
Je te reviens souvent

Ma Gitane qui fume entre mes doigts
C'est comme un écran bleu où je te revois
Ma Louisiane, ma seule nostalgie
Jour après jour tu t'éloignes et je vieillis
La Louisiane, parfois dans mes regrets
Je la croyais tout près

LES BIGOUDIS

 

Elle est née à Beaulieu-sur-Mer

Où un marin connut sa mère

Puis elle est montée à Paris

Où sa mère vend. des bigoudis

Goudis, goudis, goudis

Good evening dit-elle aux passants

Donne moi un shilling

T'auras du bon temps.

 

Mais le bon temps ne donne pas de rente

Et la maman bientôt déchante

Elle abandonne à la jeune fille

Son petit commerce de bigoudis

Goudis, goudis, goudis

Good evening dit-elle aux vieillards

D'accord pour le gringue

Mais tout en dollars!

 

Plus ambitieuse que sa maman

Elle ne fait pas de sentiment

Un millionnaire amoureux d'elle

Lui offre une rente annuelle

Nuelle, nuelle, nuelle

Nue elle n'ira plus puisqu'elle a des ronds

Mais elle continue

C'est sa vocation.

 

Avec toute ses économies

Elle épouse un beau gars musclé

Qui surveillera leur baby

Pendant qu'elle travaillera aux quais

Aux quais, aux quais, aux quais

O.K. boss, dit-elle en rentrant

Sous les yeux du gosse

J'ai fait dix clients

 

La vie passe et le môme grandit

La mère a pris des cheveux gris

Le père a planqué tous ses sous

"J'ai eu tort de lui passer tout

C'est tout, c'est tout, c'est tout

C'est tout moi lui dit sa nanny"

Sans voir que le sournois

Met. des bigoudis

AU PLAISIR

 

C'est une plaisanterie
Ou du moins je le croyais
C'est une taquinerie
Qui te faisait murmurer
Juste quand je t'embrassais :
"Au plaisir, au plaisir"
Au plaisir de l'heure prochaine
Où, nous retrouvant sans chaîne
Sans regret, sans souvenir
On se quittera sans peine
Au plaisir
C'est un adieu populaire
On le dit sans réfléchir
Toi, sans souci de me plaire
Tu disais dans un sourire
Quand il te fallait partir :
"Au plaisir, au plaisir."
Tout au long des mois qui passent

Tu es devenu sérieux.
Ne voyant pas la menace
De cet ironique adieu
Je pensais : "Il m'aime mieux"
Au plaisir, au plaisir
De la fin de notre histoire
Ce fut lui qui décida
D'un sourire méritoire
Je sus cacher mon émoi
Pourtant je ne pleurais pas
Au plaisir, au plaisir
Au plaisir de l'heure prochaine
Où, nous retrouvant sans chaîne
Sans regret, sans souvenir
On se quittera sans peine
Au plaisir

ANTONIO CARLOS MARIA BRASIL

 

Je l'appellerais Antonio Carlos Maria Brésil

Il aurait plein de sel sur la peau, sur les doigts, sur les cils

C'est l'enfant qui dort dans mes rêves. Se réveillera-t-il

Je ne le sais pas

Il danserait pieds nus sur les couteaux brillants de la mer

Dans la pluie équatoriale d'un piano noir de concert

C'est l'enfant de mes rêves, il naîtrait sans passé, sans regrets

Et libre déjà

Il est encore en exil dans ma mémoire

J'imagine son profil et son histoire

Je sais que mon rêve a son état civil

 

Je l'appellerais Antonio Carlos Maria Brésil

Et nous irions nous cacher dans le labyrinthe des îles

C'est l'enfant du soleil et du rythme secret de mon sang

Je l'entends déjà…

Il jouerait d'une flûte en roseau comme un nouveau Dieu Pan

Il prendrait des poissons rien qu'avec ses chansons dans le vent

Dans le sable il découvrirait des paillettes de diamant

Et il danserait

Il est encore en exil dans ma mémoire

J'imagine son profil

Et son histoire

Je sais que mon rêve a son état civil

 

Je l'appellerais Antonio Carlos Maria Brésil

Sans même s'en apercevoir, il traversait les villes

Dans toutes les cités mortes il ranimerait les brasiers

Et on le suivrait

Son rire ferait voler en éclats les murs des prisons

Et à pleines dents il mordrait dans les fruits de la passion

On l'appellerait Antonio Carlos Maria Brésil

Un jour, s'il venait

Mais nous rencontrera-t-il ? Je veux le croire

J'imagine son profil

Et son histoire

Je sais que mon rêve est encore en exil

 

DIANE

 

C'est une fille qui ressemble à Diane

A la déesse des forêts

C'est une fille qui ressemble à Diane

Ou du moins qui lui ressemblait

Elle aimait la forêt

Les animaux avaient avec elle

Un secret

C'est une fille qui ressemble à Diane

Ou du moins qui lui ressemblait

Il faut choisir le garçon, la forêt

Il faut choisir l'amour ou le secret

C'est un bonheur de ressembler aux autres

Lui disait-il, c'est le nôtre

C'est une fille qui ressemble à Diane

A la déesse des forêts

C'est une fille qui ressemble à Diane

Ou du moins qui lui ressemblait

Elle a choisi d'oublier la forêt

Elle a choisi d'oublier le secret

C'est le bonheur qui fit d'elle une femme

Nous rêvons toujours de Diane

D'une fille qui ressemble à Diane

A la déesse des forêts

D'une fille qui ressemble à Diane

Ou bien qui lui ressemblerait

Marchant dans la forêt

Les animaux auraient avec elle

Un secret

Une fille qui ressemble à Diane

Ou bien qui lui ressemblerait

Ou bien qui lui ressemblerait

 

 

DES MARQUES DE DOIGTS

 

Des marques de doigts
Sur l'harmonica
Des marques de doigts dans la poussière
Ces empreintes-là
Elles étaient à toi
Je les ai retrouvées hier
Ces marques de doigts
Sur l'harmonica
Me ramènent au bord de la rivière
En t'accompagnant
De cet instrument
Oublié dans la poussière

Mais l'harmonica c'est bon pour les enfants
Pour les grands il y a des instruments bruyants
J'ai presque oublié la chanson d'autrefois
On ne peut pas la jouer sur une pédale wawa

Tes marques de doigts
Sur l'harmonica
Si tu revenais vivre au domaine
On retrouverait
La simplicité
Nos chansons nos joies anciennes
Des marques de doigts
Sur l'harmonica
Et dans le grenier notre cachette
Le bahut en bois
Plein de vieux Dumas
Le papier-peint de fleurettes

Mais l'harmonica c'est bon pour les enfants
Pour les grands il y a des instruments bruyants
J'ai presque oublié la chanson d'autrefois
On ne peut pas la jouer sur une pédale wawa

Nous avons grandi
Enfin te voici
Nous recommençons la même histoire
Les harmonicas
Un peu maladroits
Sont encore dans nos mémoires
Ce soir tu es là
Alors souviens-toi
Joue-moi cet air-là sur ta guitare

LA PARISIENNE

 

Lorsque je suis arrivée dans la capitale

J'aurais voulu devenir une femme fatale

Mais je ne buvais pas, je ne me droguais pas

Et je n'avais aucun complexe

Je suis beaucoup trop normale, ça me vexe

 

Je ne suis pas parisienne

Ça me gêne, ça me gêne

Je ne suis pas dans le vent

C'est navrant, c'est navrant

Aucune bizarrerie

Ça m'ennuie, ça m'ennuie

Pas la moindre affectation

Je ne suis pas dans le ton

Je ne suis pas végétarienne

Ça me gêne, ça me gêne

Je ne suis pas karatéka

Ça me met dans l'embarras

Je ne suis pas cinéphile

C'est débile, c'est débile

Je ne suis pas M.L.F.

Je sens qu'on m'en fait grief

M'en fait grief, m'en fait grief

 

Bientôt j'ai fait connaissance d'un groupe d'amis

Vivant en communauté dans le même lit

Comme je ne buvais pas, je ne me droguais pas

Et n'avais aucun complexe

Je crois qu'ils en sont restés tout perplexes

 

Je ne suis pas nymphomane

On me blâme, on me blâme

Je ne suis pas travesti

Ça me nuit, ça me nuit

Je ne suis pas masochiste

Ça existe, ça existe

Pour réussir mon destin

Je vais voir le médecin

Je ne suis pas schizophrène

Ça me gêne, ça me gêne

Je ne suis pas hystérique

Ça se complique, ça se complique

"Oh!" dit le psychanalyste

Que c'est triste, que c'est triste

Je lui dis: "Je désespère

Je n'ai pas de goûts pervers

De goûts pervers, de goûts pervers"

 

"Mais si", me dit le docteur en se rhabillant

"Après ce premier essai, c'est encourageant

Si vous ne buvez pas, vous ne vous droguez pas

Et n'avez aucun complexe

Vous avez une obsession: c'est le sexe"

 

Depuis je suis à la mode

Je me rôde, je me rôde

Dans les lits de Saint-Germain

C'est divin, c'est divin

Je fais partie de l'élite

Ça va vite, ça va vite

Et je me donne avec joie

Tout en faisant du yoga

Je vois des films d'épouvante

Je m'en vante, je m'en vante

En serrant très fort la main

Du voisin, du voisin

Me sachant originale

Je cavale, je cavale

J'assume ma libido

Je vais draguer à vélo

Maintenant je suis parisienne

Je me surmène, je me surmène

Et je connais la détresse

Et le cafard et le stress

Enfin à l'écologie

Je m'initie, je m'initie

Et loin de la pollution

Je vais tondre mes moutons

Et loin de la pollution

Je vais tondre mes moutons

Et loin de la pollution

Je vais tondre mes moutons

Des moutons, des moutons, des moutons